Les brouillons de Victor Hugo
Courte biographie de Victor Hugo
Bonjour à toutes et à tous,
nous nous retrouvons aujourd’hui pour le deuxième épisode des brouillons d’auteurs. Chaque mois, j’explore avec vous la méthode d’écriture d’auteurs et autrices illustres qui ont marqué notre littérature classique pour découvrir leur procédé d’écriture.
En janvier, je vous parlais ainsi de la méthode d’écriture de Jean-Paul Sartre, qui avait adopté une routine très méthodique. Ses brouillons reflétaient ainsi un processus quasi automatisé d’un ordinateur moderne avec traitement de texte. Cette semaine, nous allons nous pencher sur un auteur dont la méthode d’écriture était aux antipodes : celle de Victor Hugo. Celles et ceux qui me connaissent, savent que je voue une sorte d’adoration pour le Grand, l’éternel, le sublime Victor Hugo, ce colosse de la littérature française.
➡️Si jamais vous voulez écouter l’épisode sur Jean-Paul Sartre, c’est par ici !
Je vous ai déjà parlé de Victor Hugo, ici même, en vous parlant de sa période durant laquelle, sur l’île de Jersey, il s’était donné corps et âme au spiritisme, pensant pouvoir communiquer avec sa fille défunte.
Bref, comme toujours, on commence par la partie biographie pour contextualiser un petit peu cette anecdote littéraire ! 😉
L'enfance et l'adolescence de l'écrivain
Notre passionnant Victor Hugo est né le 26 février 1802 à Besançon. Il a deux frères et en raison de sa santé fragile, sa mère prend beaucoup soin de lui. Rapidement, la famille déménage à Paris mais effectuera également de nombreux séjours en Italie et en Espagne en raison de la carrière militaire de son père. On comprend ainsi comment il connaît la ville d’Hernani, dans le pays basque espagnol, qui deviendra plus tard le lieu de sa pièce romantique révolutionnaire dont une célèbre bataille littéraire s’ensuivra mais ça … C’est pour un autre épisode.
J’en reviens à mes moutons hugoliens : en 1812, il va s’installer à Paris avec sa mère qui vient de se séparer de son père puis en 1815, il entre en pension et commence à rédiger ses premiers vers, à 13 ans donc, excusez du peu. A 14 ans, notre aimable et modeste Victor note dans son journal “je veux être Châteaubriand, ou rien”. Tout est dit.
Il entre ensuite en classes préparatoires au lycée Louis le Grand, démontre de belles aptitudes en mathématiques mais comme en parallèle, il obtient de très beau succès littéraires en participant à divers prix dont je vous épargne l’énumération, il délaisse très vite les sciences pour se consacrer pleinement à la littérature.
En 1821, âgé de 19 ans, il publie son premier recueil de poèmes, intitulé Odes qui est acheté, lu et apprécié par nul autre que le roi Louis XVIII qui lui octroie alors pour son talent une pension de 1000 francs pour lui permettre de se consacrer à son art. Emmanuel ou Gabriel, si vous m’entendez, n’hésitez pas, je vous fais parvenir un exemplaire de mon livre quand vous voulez.
Les débuts de la carrière littéraire de Victor Hugo
En 1822, il épouse Adèle Foucher, son amie d’enfance et avec laquelle il aura 5 enfants. En 1827, il publie Cromwell qui rompt avec de nombreuses conventions théâtrales de l’époque et jette les prémices de la littérature romantique dont il sera toute sa vie l’immense chef de file. Il se lie au fur et à mesure des années d’amitié avec Alfred de Musset, Mérimée, Delacroix mais également Lamartine, entre autres.
De 1830 à 1843, c’est la période presque exclusivement théâtrale d’Hugo avec la parution en 1830 d’Hernani, qui sera à la fois un triomphe et une polémique artistique majeure dans le siècle.
Victor Hugo et Juliette Drouet
En 1833, il rencontre l’actrice Juliette Drouet qui deviendra sa maîtresse pendant cinquante ans, et 1838 marque ensuite la publication de Ruy Blas, une autre de ses pièces majeures.
Il entre à l’Académie Française en 1841 et accède par cette entremise à l’éternité. En 1843, sa fille Léopoldine meurt noyée avec son mari, évènement tragique qui marquera par son deuil la personnalité d’Hugo et qui entraîne d’ailleurs une très longue pause littéraire qui durera jusqu’à son exil en 1852.
A présent que les jalons de sa carrière littéraires ont été posés, encore me faut-il parler de son engagement politique qui commence au milieu des années 1840.
L'exil de Victor Hugo
Il va alors se dévouer pour plusieurs causes : la réduction du temps de travail des enfants, il plaide en faveur de la Pologne pour qu’elle retrouve son indépendance puis il deviendra tour à tour maire du 8eme arrondissement de Paris et député.
Son engagement politique le plus connu est sans doute celui qui lui a valu l’exil, à savoir son opposition farouche à Louis Napoléon Bonaparte, qu’il surnommera Napoléon le Petit et qui prononce son bannissement du pays par décret en 1852. Victor Hugo lui reproche en effet sa politique réactionnaire.
Son exil durera 19 ans, passant de Bruxelles à Jersey puis sur l’île de Guernesey. C’est durant son exil qu’il publiera Les Misérables, en 1862, les Travailleurs de la mer en 1866 puis L’homme qui rit en 1869. Ce n’est que le 5 septembre 1870, lors de la proclamation de la IIIe république, qu’il accepte enfin de rentrer en France où il est accueilli en héro. Il assistera alors à la commune de Paris qui lui inspirera, en partie son roman Quatre-vingt-treize. En 1876, il est élu sénateur et oeuvre pour l’amnistie des communards dont il avait farouchement désapprouvé la répression.
La mort de Victor Hugo
Il meurt le 22 mai 1885. Il aura des obsèques nationales, bien qu’il ait insisté pour avoir une cérémonie dans le corbillard des pauvres. Son corps est inhumé au Panthéon, le 1er juin 1885 et pendant le transfert de son cercueil de l’arc de triomphe au panthéon, ce sont plus de 2 millions de personnes qui viennent assister à son cortège. Il est alors déjà considéré comme l’un des plus grands monuments de la littérature française.
Bref, cette première partie biographie était un peu longue mais en même temps il y a tant à dire sur sa vie … Cela étant, on en revient au sujet du jour, à savoir la méthode d’écriture de Victor Hugo.
La méthode d'écriture de Victor Hugo
Or là, ce qui est magnifique, c’est que Hugo n’est qu’écriture, ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’on le surnomme l’homme océan. Dès lors, pour lui, écrire, à l’opposé de Sartre et sa routine, c’est écrire en toutes circonstances, toujours, sur tout et n’importe quoi, de manière obsessionnelle.
Une méthode d'écriture progressive
C’est ainsi que tout carnet ou feuille volante est bonne à prendre. Il les dispose de manière à ce qu’elles soient constamment accessibles : par exemple, sur Jersey, il avait toujours près de son lit des morceaux de papiers qui étaient disposés à même le plancher pour pallier à quelque inspiration nocturne. Dès lors que l’écriture se fait de manière compulsive et désordonnée, cela implique qu’un roman ou un poème peut s’écrire de différentes façons.
D’abord, par petites touches, c’est à dire avec une organisation progressive, en assemblant différents fragments pour lesquels Hugo ne sait pas forcément s’ils vont rester au même endroit ni s’ils servent l’histoire
Rester nu ... Une manière de rester concentré !
Parfois, il écrivait également de manière plus obstinée, comme pour la rédaction de certains de ses romans où il refusait tout net de s’habiller. Rester entièrement nu lui permettait alors de s’astreindre à rester à l’intérieur toute la journée pour écrire et ce, jusqu’à épuisement pour ne pas céder aux envies de sorties, de mondanités ou autres interruptions dans sa vie d’écrivains.
L'utilisation des marges dans ses brouillons
Quand on examine les brouillons d’Hugo, ce qui frappe, c’est l’importance des marges. Car ces marges lui permettent des remaniements, des additions ultérieures qui s’assurent d’une sublime liberté dans l’écriture. C’est assez frappant d’ailleurs, ce fonctionnement car je possède les éditions intégrales de tous ses écrits et tous ses dessins et il y a un tome entier, assez conséquent de plusieurs milliers de pages qui ne sont rien d’autres que des fragments où l’on retrouve ce sens de la formule et de ce que notre langage contemporain en franglais nommerait “le sens de la punchline”.
Je pense que pour chacun d’entre nous, en lisant Hugo, c’est surtout ça qui reste, presque davantage que ses intrigues, c’est cette force dans le Verbe, cette énergie du langage qui rendent ses écrits universels et inépuisables. J’avais une prof en prépa qui avait admirablement résumé la chose : finalement, on ne peut jamais faire totalement le tour de son oeuvre et malgré tout, on en revient toujours à Victor Hugo.
Cette énergie, on la retrouve ainsi dans ses feuillets de brouillons, souvent surchargés, souvent illisibles car les marges servent aux corrections mais laissent également entrevoir le jaillissement de l’inspiration pour des fragments et passages ultérieurs qui somme toute, n’auraient rien à faire sur le feuillet en question.
Par ailleurs, comme Hugo était également un très bon dessinateur – ça commence à devenir agaçant toutes ces louanges et ce génie créatif – il lui arrivait régulièrement de faire des esquisses sur ses brouillons pour dessiner, représenter des lieux, des personnages qu’il avait en tête.
Et voilà pour l’histoire des brouillons de Hugo. Je vous conseille d’ailleurs la très belle expo virtuelle de la BNF sur le sujet et la visite de la Maison d’Hugo à Paris !
👉 Pour aller plus loin :
- Ce dossier numérique de la BNF avec les brouillons de Victor Hugo 😉
- L’anecdote sur Guillaume Apollinaire et la Joconde
- Le procès du Tartuffe ou le combat de Molière contre l’Eglise
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