Ces derniers temps, tant dans les propos de personnalités politiques que sur les unes des médias, fleurissent des discours qui me perturbent énormément. On y traite les militants écologistes d’éco-terroristes et on parle de l’écologisme extrémiste …
Pour faire preuve d’un tant soit peu d’esprit critique, il me paraît utile de revenir sur le concept même de terrorisme. En effet, quand on se penche sur sa définition, on s’aperçoit qu’en réalité, il n’en existe pas, qu’il s’agisse d’une définition juridique internationale (qui serait pourtant relativement pratique) qu’à échelle nationale. Ainsi, selon les pays, les terroristes qui sont qualifiés en tant que tels balancent entre certaines franges radicales et religieuses commettant des attentats, alors que dans d’autres ils peuvent tout autant relever d’une simple opposition politique au régime en place.
Toutefois, histoire d’être dans le compromis, on peut dégager un relatif consensus autour des éléments suivants : le terrorisme consisterait à utiliser des méthodes violentes, armées en vue d’atteindre un but politique (renversement d’un gouvernement) par le biais de méthodes aussi différentes que les attentats à la bombe, des prises d’otages ou encore la destruction de bâtiments sans égard pour les éventuelles victimes.
En réalité, parler des groupes de militants écologistes comme relevant du terrorisme, c’est entretenir une confusion dangereuse entre actions de désobéissance civile et actions violentes. L’immense majorité pour ne pas dire la totalité des actions écologistes menées en France sont des actions de désobéissance civile et non pas des actions violentes.
Par désobéissance civile, on entend le refus assumé de se plier à une loi ou un ordre établi. Les militants écologistes, comme ceux d’Extinction Rebellion par exemple, refusent en effet l’ordre capitaliste actuel. En effet, ils refusent le primat de l’économie sur le Vivant ainsi que tout un tas de lois iniques qui permettent de subventionner l’extraction de ressources minières et pétrolières. En ce sens, ils s’inscrivent en opposition par rapport à la société et surtout par rapport à l’ordre politique mondial établi. Cependant, ils ne sont en aucun cas “terroristes” : leurs actions ne font aucune victime, ne détruisent aucun pont, aucun bâtiment, aucun immeuble. Ils n’usent d’aucune arme, d’aucun explosif si ce n’est de peinture, d’affiches et de slogan.
L’utilisation de ce terme, dont les utilisateurs ont parfaitement conscience de l’inadéquation, ne vise qu’à une chose : délégitimer leur action et criminaliser la prise de conscience citoyenne qui se fait à l’heure actuelle de l’urgence climatique et environnementale.
Et finalement, insidieusement, cela permet également au climatoscepticisme de regagner le terrain qu’il avait pu perdre. Cela introduit une association pernicieuse, un amalgame entre militants écologistes et dangerosité. Comme si les attentats, les attaques au couteau et autre qu’il y avait par le monde et qui, hélas, font régulièrement la une des journaux, pouvaient également être attribués aux écologistes.
Comme si des mouvements en faveur de la préservation du vivant pouvaient être associés à la blessure par armes blanches d’enfants dans un parc, aux tirs dans un casino ou une école.
En revanche, là où ce terme d’éco-terroriste me paraît éventuellement pertinent, c’est quant à la question qu’il soulève de la violence légitime. La question de l’utilisation de la violence en politique et pour atteindre différents buts et à quel moment elle devient légitime du point de vue du peuple se pose depuis des siècles. Difficile de trancher la question et je ne me tenterai certainement pas à l’exercice. Victor Hugo lui-même s’avouait vaincu et hésitait à prendre position par rapport à la Commune de Paris. Force est cependant de constater qu’aujourd’hui, si la désobéissance civile crispe déjà les autorités et qu’elle permet d’octroyer le qualificatif de “terroriste” à des personnes entravant simplement la circulation routière sans que toutefois cela ne serve à changer les comportements à grande échelle … Alors peut-être faudra-t-il en effet se reposer la question de la pertinence du recours à la violence.
Le mieux serait bien entendu d’éviter à avoir à en arriver là : il serait plus judicieux d’enclencher des changements sociétaux avant qu’il ne soit trop tard.